Pourquoi les hommes sont si émotionnels durant un match de foot ?

Vous avez sûrement dû voir le match de Football de ce week-end, ou vu les réactions d’un de vos proches vis-à-vis de la défaite contre l’Argentine.

Sinon, dans votre entourage, entre le conjoint, le frère, un parent, un copain ou un collègue… Vous avez, normalement, tous déjà vu un homme vivre les montagnes russes émotionnelles devant un match de Football.

Pour ma part, j’ai été aux premières loges, de la joie, du stress, de la colère, et de la tristesse à la limite des pleures des hommes, en regardant cette fameuse finale avec un groupe d’amis dans un bar.

Ayant peu l’occasion de regarder le football, car j’ai personnellement peu d’intérêt pour ce sport quelque soit l’enjeux. J’ai eu l’opportunité de voir le théâtre émotionnel offert par la simple diffusion d’un évènement sportif.

Un moment particulier pour moi qui, en tant que professionnelle, a l’habitude de travailler avec des hommes et leurs difficultés à naviguer et à extérioriser leurs émotions.

Ce qui m’a amené à m’interroger et à rechercher : « Pourquoi lors d’un match de football les hommes arrivent à extérioriser si facilement leurs émotions ? »

Et, je n’ai pas été surprise des résultats des études que j’ai trouvé sur le sujet.

Avez-vous remarqué l’intensité dont les hommes vivent leurs émotions lors d’un match ?

Cette montée d’adrénaline si particulière à l’approche du match et ce stress démesuré cultivé pendant toute la durée du match.

 Puis leur façon d’exprimer leur appartenance à une équipe (à un groupe, à une communauté),

cette communion qui s’exprime naturellement sans aucune gêne,

cette solidarité si puissante qui s’installe entre les supporters,

Et cette affection et ce lien qui s’expriment sans peur, en chantant, en se serrant dans les bras, en s’embrassant, en se portant et en dansant à l’unisson.

Mais aussi, en hurlant, en s’engueulant, en s’insultant ou en se battant (pour une victoire, pour un gardien qui n’a pas vu une faute ou avec des supporters de l’équipe adversaire).

Des montagnes russes émotionnelles qu’ils s’autorisent à vivre pleinement, le temps d’un match, de la phase d’espoir d’avant la rencontre, jusqu’à la joie intense ou la terrible déception, selon la victoire ou de la défaite de leur équipe.

Toutes ces émotions, qu’ils s’autorisent librement à vivre durant ce moment, mais qu’ils se retiennent d’exprimer en société, dans leur quotidien, leur travail, leur famille et parfois même leur couple…

Vous avez dû le voir, le football peut être un véritable désinhibiteur émotionnel, soutenu par des règles sociales (culturellement instaurées), qui leur permettent de se laisser complètement aller, sans tabou, appréhension ni honte.

Mais pourquoi à votre avis, pourquoi cette partie émotionnelle de l’homme se révèle avec autant de confiance dans ces moments-là ?

Pourquoi leurs émotions sont vécues avec autant d’intensités pour un événement qui est, au final, bien loin d’avoir une vraie importance dans leur vie ?

Et, bien il y a différentes raisons, que je vais essayer de résumer au mieux et qui sont fortement en lien avec la thématique du paradoxe de la masculinité dans la société dans laquelle nous vivons.

Pour commencer, il y a une phrase qui m’a interpellée dans mes recherches, que j’ai trouvée dans une étude menée par l’université Américaine Murray State (encore une fois, je n’ai rien trouvé dans des recherches psychologiques françaises) :

« Il est socialement plus acceptable, pour les hommes, de pleurer lors d’un événement sportif que lorsqu’un membre de leur famille décède ou la naissance de leur premier enfant. »
Et après avoir étudié, le paradoxe de la masculinité, au travers de nombreuses conférences de thérapeutes, je ne suis pas surprise de cette conclusion.

L’étude précise, également, que les larmes des hommes sont, en général, peu appréciées dans notre société, mais qu’il est plus accepté, pour les hommes, d’exprimer leur sensibilité et leurs émotions dans le domaine du sport.

En d’autres mots, les larmes des hommes sont moins bien acceptées, si ce n’est pas pour quelque chose de grave. Et, le sport compte comme un élément « sérieux », socialement parlant, pour que les hommes puissent exprimer avec plus d’aisance leurs émotions.

Une triste conclusion, qui montre à quel point notre culture encadre et influence notre manière d’agir et d’exprimer nos émotions.

Et, pour cela, les hommes sont gâtés. Quand on voit qu’il est socialement « normal » pour un homme de ne pas montrer ses sentiments et émotions, ou de les exprimer que très peu.

Paradoxalement, l’étude avance, qu’il n’est pas seulement normal qu’un homme montre des émotions accrues lors d’un match, mais cela est même attendu par notre société.

Une société qui qualifie, les émotions, les pleurs et la tristesse comme des signes de féminité.

Des signes de féminité qui n’atteignent pas le domaine du football encore mondialement qualifié comme un sport très masculin.

Un sport à la connotation masculine tellement forte, qu’il offre un espace socialement acceptable pour les larmes masculines de couler. Et, un espace sécurisé pour que les hommes puissent exprimer sans crainte des émotions ou des agissements, habituellement, qualifiées de « féminins ».

Le football qui fait partie dans notre culture des traditions familiales, qui se transmet de père en fils, et qui est presque un rite initiatique qui mène vers le monde de la virilité.

Ce monde de la virilité aux règles strictes, qui pose une pression constante sur les hommes pour se conformer aux stéréotypes du genre masculin.

Entre les injonctions sociétales qui encadrent le comportement émotionnel « approprié » pour les hommes, et perçoivent les pleurs masculins comme un signe de féminité, facilement, ridiculisé par le regard de notre société.

Ces normes qui conduisent à beaucoup de dysfonctionnements, quand on sait que plus de 75% des personnes qui se suicident, en France, sont des hommes.

Une crise silencieuse, encore entretenue par des hommes qui ont appris à garder sous silence leur souffrance.

Dans une société qui limite étroitement « comment » et « quand » les hommes peuvent se sentir libres d’exprimer leurs émotions.

-Où les hommes ont l’habitude de ne pas parler des problèmes qu’ils traversent et de ne pas avoir d’espace pour les confier librement.
-Où l’homme va plus facilement cacher son état dépressif en anesthésiant sa souffrance par des addictions (alcool, drogues…), que les femmes.

-Où la pression de l’image masculine et de l’homme « fort », l’amène à s’isoler dans ses problèmes et à la cultiver par cette honte sociale qui freine l’homme à oser demander de l’aide.

Oui, ce match m’a interrogé, parce que j’aimerais que les hommes puissent plus s’autoriser à extérioriser leurs émotions difficiles, leurs doutes et leurs peurs en dehors de ces événements particuliers.

J’aimerais qu’ils puissent se sentir plus à l’aise de confier ce qu’ils traversent émotionnellement, dans une simple discussion entre amis. Qu’ils puissent demander du réconfort ou de l’aide à un ami sans peur de remettre en question leur image d’homme, ou se trouver faible.

Mais au contraire, dans le but de remettre de l’humanité dans leur manière de vivre leur masculinité.

Et, de ramener plus cette solidarité et cette communion masculine, si belle à voir durant les matchs, dans leur quotidien. Afin que cette solidarité, ne soit plus qu’une simple parenthèse, vécue durant un match, qui les amène à vivre avec une passion démesurée pour un évènement sportif. 

Mais une inspiration, pour que ces événements, au final, ponctuels, leur permettent de voir leurs capacités à exprimer librement leurs émotions.

Et d’avoir le courage et la confiance, de créer ces espaces d’échanges, de complicités et d’entraides entre eux, entre hommes et en dehors de ces moments spéciaux.

Les dysfonctionnements de notre société nous l’ont de nombreuses fois montrées, la masculinité a besoin d’évoluer vers plus de vulnérabilité, pour le bien-être mental des hommes, comme des femmes.

Je terminerai par cette phrase du thérapeute américain Terry Real que j’ai traduit, ici :

« La volonté des hommes à minimiser leurs douleurs et à ne pas prendre en compte leur fragilité, est si grande qu’elle fait partie des facteurs qui font que la durée de vie des hommes est plus courte. Les dix années de différence de longévité entre les hommes et les femmes s’avèrent n’avoir que peu de rapport avec les gènes. Les hommes attendent plus longtemps pour reconnaître qu’ils sont malades, prennent plus de temps pour demander de l’aide et, une fois qu’ils ont un traitement à suivre, ils ne s’y conforment pas aussi bien que les femmes. »

J’aimerais que ce texte aide à prendre conscience de cette douleur silencieuse que certains hommes peuvent porter en l’honneur de cette image de « l’homme », dans laquelle notre société les enferme.

Non, pour oublier les douleurs de la femme ou les inégalités qui continuent de subsister, mais pour accompagner à un vrai changement, dans lequel chacun peut se redéfinir plus librement.

Car le mouvement féministe sera vraiment complet et concret, que quand il laissera la place à l’homme de se redéfinir et d’évoluer, dans le respect des attentes des femmes et de ses besoins humains.

Rappelons-nous que tout le monde souffre du système patriarcal, les hommes comme les femmes. Même si la souffrance des hommes peut être plus discrète et silencieuse.

J’espère que ce texte donnera des informations et des réflexions qui encourageront, les hommes, comme les femmes à accompagner ce changement.

Aux hommes à s’ouvrir plus émotionnellement, entre eux.
Aux femmes à les encourager à cela, car la manière dont nous avons été élevées, en tant que fille, fait que nous avons plus d’outils pour s’ouvrir plus facilement, émotionnellement parlant, que les hommes.

Le futur de notre société, se fera dans une évolution mutuelle des hommes et des femmes.

 Eva Ledemé

D’autres études qui confirment ces partages :

Des études scientifiques confirment que les pleurs des hommes, à propos du sport, sont universellement tolérés.

Une petite étude de 2004 dans le British Journal of Social Psychology a révélé que les hommes étaient plus à l’aise pour exprimer des émotions, comme la colère et le chagrin, dans des contextes spécifiques régis par des règles, comme les matchs de football.

Une étude beaucoup plus importante de 2011 dans la revue Psychology of Men & Masculinity a demandé à 150 joueurs de football d’évaluer des images d’autres athlètes en train de pleurer. Les athlètes endurcis ont généralement convenu qu’il était tout à fait approprié de pleurer après avoir perdu et, dans une moindre mesure, après avoir gagné. Ils ont également constaté que les athlètes qui approuvaient davantage les pleurs avaient une meilleure estime de soi et, par conséquent, de meilleurs résultats.

Mais le fait que le sport soit resté, depuis la Grèce antique, l’un des seuls espaces socialement acceptables pour les larmes masculines est en fait le symptôme d’un problème plus vaste. Les Centers for Disease Control and Prevention estiment que près de 77 % des personnes qui se suicident sont des hommes. Le fait que la société limite étroitement comment et quand les hommes peuvent se sentir libres d’exprimer leurs émotions pourrait faire partie du problème.

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